Entretien avec Ronan Le Gleut, Sénateur des Français de l’étranger
Joël-François Dumont : Bonjour Monsieur le sénateur.
C’est un plaisir de vous entendre. Je rappelle que vous êtes sénateur des Français de l’étranger. Malgré votre prénom breton, je rappelle que vous êtes berlinois et qu’avant d’être sénateur, vous étiez ingénieur à l’Agence européenne des brevets. Depuis maintenant un peu plus de deux ans, vous êtes au Sénat. Vous siégez à la commission de la défense et des affaires étrangères et intervenez sur des dossiers importants, comme le projet SCAF.
Aujourd’hui, une toute autre actualité concerne les Français de l’étranger – dont vous êtes l’un des représentants au Sénat – je précise que le Sénat a été la première de nos assemblées parlementaires à s’intéresser aux Français de l’étranger – ces compatriotes expatriés sont aujourd’hui plus de 3 millions de par le monde, le chiffre exact est inconnu car beaucoup d’entre eux ne se sont pas inscrits sur des listes électorales dans les consulats de France de leur pays de résidence.
Ces Français, ceux qui sont régulièrement inscrits, votent pour l’élection présidentielle, c’est connu. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est qu’ils sont appelés également à voter pour des « élections consulaires » pour désigner leurs représentants à l’étranger.
Ces expatriés répertoriés viennent de recevoir une lettre du président Emmanuel Macron – c’est la première fois depuis son élection il y a trois ans que le président s’adresse à eux. Il est vrai que la campagne présidentielle est déjà bien partie…
Il était donc normal que « Le Petit Journal » s’interroge pour savoir s’il fallait y voir un simple « hasard de calendrier ». Alors que les élus LREM se félicitent de cette initiative pour le moins tardive, l’opposition, elle, unanime, c’est assez rare pour être relevé, veut y voir une manœuvre. D’après le Petit Journal, il s’agit d’« un stratagème bien pratique à l’approche des élections consulaires ».
EELV, par exemple, souligne dans un communiqué que le président de la République, dans une longue lettre de trois pages envoyée à quelque deux millions de Françaises et de Français qui vivent hors de France, « l’intention » aurait pu » être louable si le président s’était contenté d’envoyer un message de soutien et d’encouragement aux Françaises et aux Français hors de France. A contrario, il dresse le bilan de son action et entre en campagne électorale ». Les écologistes fustigent « un rendez-vous manqué, un de plus avec les Françaises et les Français. » Ce même Petit Journal vous donne la parole, Monsieur le Sénateur. Alors comment interpréter l’envoi de cette lettre aux Françaises et aux Français de l’étranger ?
Sénateur Ronan Le Gleut : Bonjour, Joël-François Dumont. Je suis absolument ravi d’être avec nous. Écoutez, il y a quand même quelque chose de très surprenant depuis quatre ans que le président de la République est au pouvoir. Jamais, à aucun moment, il ne s’est adressé directement par courrier aux Français de l’étranger et, dans un curieux hasard de calendrier, effectivement, il s’adresse à eux après le dépôt des candidatures aux élections consulaires, c’est-à-dire en plein dans une période officielle d’une campagne électorale.
Et donc, on est tout à fait stupéfait d’utiliser les moyens de l’État, comme l’a d’ailleurs rappelé mon collègue sénateur, Stéphane Le Rudulier, qui est un sénateur de l’hexagone, sénateur du département des Bouches-du-Rhône, membre de la Commission des lois du Sénat. Comme il l’a rappelé dans une question d’actualité au gouvernement, ce ne sont absolument pas ce type de pratiques auxquelles on s’attend d’un président de la République. Le président de la République se doit – et c’est vraiment le sens de notre Constitution – d’être à la fois au-dessus des partis et surtout il est le garant – et ça c’est un rôle fondamental – il est le garant de l’égalité de traitement entre les candidats.
En démocratie, les candidats doivent être à égalité. Et bien l’utilisation de tels moyens de l’État dans une période qui, je le répète, intervient après le dépôt des candidatures et ce alors qu’il ne s’est jamais adressé aux Français de l’étranger depuis quatre ans. Écoutez pour le moins, cela interroge…
Joël-François Dumont : Il y a quelques mois, on nous avait dit que la France allait faire vacciner les Français de l’étranger. Je constate que nos propres diplomates à l’étranger ne le sont toujours pas. Je pense également à ce que vous dites dans cette intervention devant le Sénat où vous expliquez que même des Français, établis à l’étranger, ont perdu leur carte de sécurité sociale depuis peu de temps.
Sénateur Ronan Le Gleut : Alors effectivement, dans ce courrier qu’adresse Emmanuel Macron aux Français de l’étranger, il présente un bilan qui, en réalité, est bien trop beau pour être vrai.
La réalité est tout autre. Il y a eu, à la fois, des hausses d’impôts, des suppressions de postes dans les écoles françaises à l’étranger, des suppressions de postes dans les consulats, les ambassades Il y a eu également le fait, effectivement, comme vous venez de le rappeler, des retraités français à l’étranger qui dépendent de ce que l’on appelle la CNAREFE, la Caisse nationale des retraités de France à l’étranger et qui avaient le droit à une carte vitale, parce qu’ils avaient cotisé en France et s’ils étaient de passage en France alors qu’ils sont résidents à l’étranger ils pouvaient par exemple se faire soigner en France avec leur carte vitale. C’était un droit qu’ils avaient.
Il y a une réforme de ce gouvernement qui est entrée en vigueur en 2019 et qui fixe un certain nombre d’années de cotisation qui a été profondément augmenté et qui a comme conséquence au 1er avril 2021, donc depuis quelques jours, nous avons des Français qui reçoivent un courrier qui stipule, très clairement, des droits qu’ils avaient jusqu’à présent et qu’ils sont donc, bien évidemment, obligés finalement de rendre leur carte vitale. C’est tout à fait stupéfiant et je dirais que, quand on ajoute à cela, je vous le disais, les hausses d’impôts, les suppressions de postes dans les consulats, les suppressions de postes dans les écoles, je dirais a minima, qu’on n’écrit pas une lettre pour vanter son bilan, on se tait.
Joël-François Dumont : Certains n’ont pas oublié, après son élection, les premières remarques faites par le président Macron, qui ont été perçues, à tort ou à raison, comme une forme de mépris à l’adresse de ces 2 à 3 millions de citoyens Français expatriés en suggérant qu’il fallait « taxer les Français de l’étranger » et depuis plus rien si ce n’est il y a quelques mois une information comme quoi la France allait « faire vacciner nos concitoyens par nos ambassades ». Renseignement pris, aucun de nos diplomates n’a été vacciné pour le moment… Et à ceux qui essaient de téléphoner à l’ambassade de France à Berlin par exemple, je rappelle que depuis quatre ans le poste de standardiste de l’ambassade a été supprimé, de même, il y a deux ans, l’emploi à mi-temps de standardiste pour le consulat de France ! Ne parlons pas de Hambourg où nous avons un électron libre comme consul de France qui ne dispose d’aucun personnel administratif…
Sénateur Ronan Le Gleut : Non mais, très clairement, les Français qui vivent à l’étranger ont pu au départ être séduits. Mais c’est une illusion. Maintenant que quatre ans se sont écoulés, il est possible au bout de ces quatre ans de faire un bilan des actions.
Quand on supprime 512 postes dans les écoles françaises à l’étranger, que l’on supprime en 2017 à l’arrivée au pouvoir, 33 millions d’euros pour l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger et que cette politique a, comme conséquence, des hausses de frais de scolarité – alors que les frais de scolarité sont déjà extrêmement élevés – on se dit que, vraiment, ce bilan est indéfendable.
De la même manière, quand on étudie vraiment, ce que l’on appelle les Bleus budgétaires, c’est bien, vraiment là les finances publiques, la réalité, c’est que 330 postes au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, le Quai d’Orsay qui est à la fois celui qui incarne notre diplomatie c’est-à-dire, qui incarne l’image de la France dans le monde, mais aussi la diplomatie culturelle et d’influence, le soft power, ce ministère qui a déjà été incroyablement rationalisé ces dernières années, venir supprimer encore, par-dessus tout cela, 331 postes en moins supplémentaires en trois ans, cela a des conséquences, notamment sur les consulats, les fermetures de consulats, des consulats qui sont difficilement joignables et véritablement le service apporté aux communautés françaises à l’étranger s’est dégradé.
Joël-François Dumont : Vous citez également, dans votre intervention, Monsieur le sénateur, la saisine du Conseil d’État introduite par le président de l’Union des Français de l’étranger, l’ambassadeur François Barry Delongchamps, qui a fait, au nom de l’UFE Monde, une demande en suspension visant à faire annuler un décret inique, suivant une demande du président Macron, visant à interdire aux citoyens Français, résidant dans des pays situés en dehors de l’Union européenne, de pouvoir rentrer en France, alors qu’on n’interdisait pas à des étrangers de rentrer légalement en France ! Du jamais vu ! Qu’en pense le sénateur des Français à l’étranger que vous êtes ?
Sénateur Ronan Le Gleut : Alors c’est du jamais vu, effectivement.
C’est ce que l’on appelle « la politique des motifs impérieux », c’est-à-dire qu’un décret démarrait en disant interdit tout déplacement d’un Français vers la France. C’est-à-dire véritablement, on interdisait l’accès d’une Française, d’un Français qui vit à l’étranger, en l’occurrence, hors de l’Union européenne, de venir en France et d’ailleurs dans son propre pays « sauf motifs impérieux » qui étaient des motifs vraiment gravissimes que l’on ne souhaite à personne.
Effectivement un recours rédigé notamment par l’UFE, par le président de l’UFE François Barry Delongchamps, cette grande association qui a toujours défendu les droits des Français de l’étranger qui s’appelle l’Union des Français de l’étranger, de déposer un recours devant le Conseil d’État.[1]
Rappelons que le président de l’UFE est un ancien ambassadeur – Il a notamment été ambassadeur de France en Pologne – C’est quelqu’un qui connaît son sujet à la perfection. A introduit un recours devant le Conseil d’État.
Le Conseil d’État a donné raison au requérant, c’est-à-dire le Conseil d’État a donné raison aux Français de l’étranger et il a dit dans sa décision que « le droit pour un citoyen français de revenir en France était un droit fondamental. »
Et donc, oui, le Conseil d’État a vraiment retoqué la décision du gouvernement. C’est tout à fait stupéfiant qu’on en soit arrivé là. Qu’il ait fallu saisir le Conseil d’État pour rappeler ce droit fondamental de tout Français qui vient de l’étranger de pouvoir rentrer en France.
Joël-François Dumont : Nous vivons depuis plus d’un an et demi maintenant, dans des conditions misérables pour certains de nos compatriotes. Beaucoup de gens se sentent abandonnés, sans parler de tous ceux qui, à l’étranger qui n’ont pas 60-70 ans et qui ne sont pas prioritaires pour être vaccinés.
Les sénateurs des Français de l’étranger sont élus pour représenter tous ces Français expatriés où qu’ils se trouvent, même si vous avez été élu à Berlin, vous êtes de ceux aujourd’hui qui représentez tous ces Français de l’étranger au Sénat et défendez leurs intérêts?
Que peut-on dire à un français qui vit au Japon qui, à 45 ans, n’a aucune chance d’être vacciné sur place avant plusieurs mois, qui ne peut pas quitter le pays ou s’il le quitte ne pourra pas y revenir. La France ne fait rien pour lui, malgré un engagement annoncé il y a trois, quatre, mois. Au-delà d’une certaine incurie, d’une impréparation évidente, d’un autoritarisme surprenant, sans oublier une communication pour le moins désastreuse, tout cela démontrant une incompétence dans la durée qui a frappé les esprits, tout au long de cette pandémie. Un constat dressé en France mais aussi à l’étranger, nos dirigeants étant perçus au mieux comme des amateurs, au pire comme des apprentis-sorciers !
Pour la création d’un fonds d’urgence pour les Français de l’étranger
Sénateur Ronan Le Gleut : Alors effectivement, il est frappant de devoir de comparer avec ce qui avait été fait par le gouvernement de Nicolas Sarkozy dans la gestion de la crise sanitaire avec le virus H1N1 qui, à l’époque, avait envoyé cinq cents doses de vaccins contre le H1N1 dans nos consulats à l’étranger. C’est-à-dire que 500 doses de vaccin était parties de France pour aller dans les consulats de France à l’étranger et les français pouvaient aller se faire vacciner au consulat ou par le médecin-conseil du consulat. Le consulat disposait de telles doses
Et donc oui, il y a un précédent. Il y a un précédent sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy et quand on fait la comparaison avec ce qui a été fait aujourd’hui, on est stupéfait. Aucune dose de vaccin n’a jamais été envoyée dans le moindre de nos consulats. A ce stade zéro, donc, vraiment la comparaison elle est flagrante dans ce domaine.
Concernant les aides aux Français de l’étranger, j’ai déposé une proposition de loi visant à créer un fonds d’urgence pour les Français de l’étranger, [2] victimes de catastrophes naturelles, par exemple, un tsunami, un tremblement de terre, un évènement politique majeur. Je pense notamment à un putsch ou à une crise sanitaire grave. Vous voyez évidemment de quoi je parle…
Eh bien, ce fonds d’urgence pour les Français de l’étranger, je l’ai fait adopter le 30 juin 2020 à l’unanimité par la totalité des sénateurs, quelle que soit leur couleur politique et c’est un fait suffisamment rare pour insister sur ce point. A l’unanimité, le Sénat a voté ma proposition de loi le 30 juin 2020.
Le gouvernement n’a pas daigné reprendre la création d’un tel fonds d’urgence pour les Français de l’étranger et donc, ne lâchant rien, [3] j’ai déposé dans les discussions budgétaires lors de ce qu’on appelle le PLF 2021, c’est-à-dire le projet de loi de finances 2021, j’ai déposé un amendement au projet de loi de finances 2021 qui créé un quatrième programme au sein de la mission Action extérieure de l’État et qui crée vraiment, donc, concrètement, en loi de finances, donc dans les comptes publics de la France un tel fonds d’urgence pour les Français de l’étranger. [4]
Adossant cet amendement à ma proposition de loi et l’Europe encore je l’ai fait adopter au Sénat et là encore, et c’est stupéfiant, le gouvernement ne l’a pas repris, avec l’appui, c’est peut-être ce qu’il y a de plus surprenant sans l’appui des députés proches du gouvernement, ni même les députés des Français de l’étranger, alors que nous avons eu un vote à l’unanimité au Sénat, toutes tendances confondues.
On a un vote à l’unanimité, ça veut dire que l’on a les sénateurs de l’hexagone: un sénateur du Morbihan, un sénateur du Pas-de-Calais; des sénateurs de l’hexagone qui ont voté un tel texte et les députés des Français de l’étranger de la République en marche qui ne le votent pas.
Allez comprendre, c’est tout simplement incompréhensible et indéfendable.
Joël-François Dumont : L’une de vos tâches réside, Monsieur le sénateur, à voyager de par le monde pour y représenter la France, représenter le Sénat français. Vous avez été, je crois, dans au moins une trentaine de pays depuis que vous êtes maintenant sénateur. Je voulais parler d’une affaire très récente. Il y a quelques jours, le président ukrainien, Vladimir Wolinski, est venu à Paris à la mi-avril dernier. Il était venu y rechercher l’appui de la France et de l’Allemagne, deux pays cosignataires des accords de Minsk.
Rappelons qu’en 1994, l’Ukraine avait renoncé à son potentiel nucléaire en signant, à la demande des Occidentaux, le protocole de Budapest, rendant à Moscou l’armement nucléaire dont ils disposaient en échange d’une garantie de sécurité des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Russie et de la France, qui se sont engagés à respecter et à faire respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Eh bien, le président de l’Ukraine est reparti de Paris les mains vides.
L’attitude du président Macron, vous l’imaginez bien, a été commentée et pas seulement en Ukraine mais dans tous les pays qui se sentent aujourd’hui directement menacés et qui ne croient déjà plus en cette Europe qui les abandonne pour s’en remettre, désormais, aux seuls États-Unis et à l’OTAN.
Vous n’avez pas le cœur triste, parce que vous êtes en contact avec ces gens ? Voir la France, aujourd’hui, les délaisser ? En République tchèque, des gens qui sentent abandonnés, par les Slovaques qui ont été très mal traités à l’Élysée il y a peu de temps, par les Polonais, avec des activités multiples avec les Hongrois, les Pays Baltes, n’en parlons pas. On a l’impression d’un abandon de l’Europe centrale et orientale ou d’un désintérêt total du président Mâcon. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Sénateur Ronan Le Gleut : C’est une question extrêmement complexe, parce que cela pose la question de la défense européenne et de l’autonomie stratégique du continent européen.
En réalité, et ça les Français souvent ne mesurent pas combien l’Europe est otanienne au sens où ce qui est fondamental dans la sécurité du continent européen, c’est l’article 5 du traité de l’Atlantique-Nord, qu’on appelle aussi le « Traité de Washington » qui garantit que, quand un pays membre de l’OTAN est attaqué, les autres pays de l’OTAN viennent le protéger.
Bon, il n’y a pas d’automaticité de l’article 5, mais c’est vraiment ça le pilier fondamental de notre sécurité collective. Et les Français souvent le mesurent mal parce-que les Français, à juste titre, sont protégés par leur propre armée. Cette idée d’être protégé par sa propre armée va de soi pour nous Français, notamment parce-que nous avons une armée aguerrie, compétente. Nous disposons de la dissuasion nucléaire, donc nous avons une armée qui est de loin l’armée la plus la plus puissante en Europe.
Néanmoins, ce que nous ne mesurons pas, c’est que nos partenaires européens, eux, ne s’appuient pas sur leur propre armée, leurs propres moyens pour se défendre eux-mêmes. Ils considèrent que leur protection ne vient pas de leur armée mais vient bien du mécanisme de l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord et, par voie de conséquence, par l’aide apportée militairement par, non seulement l’OTAN dans ce mécanisme mais surtout par les États-Unis d’Amérique.
Et il faut vraiment mesurer les ordres de grandeur. La démocratie américaine est une démocratie militarisée. 700 milliards de dollars de budget de défense. C’est tout à fait phénoménal. Il faut vraiment avoir en tête ces ordres de grandeur.
Le budget de l’armée française, c’est approximativement 38 milliards d’euros, donc on parle de 700 et de 38 alors que l’armée française est la première armée de l’OTAN après les États-Unis. Donc entre le premier et le deuxième, on a un facteur quatorze.
Donc c’est tout à fait considérable et rien que sur le continent européen, le déploiement militaire américain, il est dans leur budget global de 700 milliards de dollars, il est de 36 milliards de dollars, c’est-à-dire, presque l’équivalent de l’armée française. Donc on a vraiment une hyperpuissance militaire que sont les États-Unis et nous avons souvent du mal à mesurer ces ordres de grandeur. Il faut avoir ces ordres de grandeur pour comprendre véritablement de quoi il s’agit et pourquoi les discours, notamment, de Donald Trump sur la non-automaticité de l’article 5 dont j’ai parlé précédemment avait effrayé nos partenaires d’Europe centrale et orientale qui en fait ont basé toute leur sécurité dessus.
Donc voilà un petit peu, si vous voulez, le cadre général dans lequel on se place, et c’est uniquement en ayant conscience de ces ordres de grandeur, que l’on peut ensuite imaginer le reste.
Joël-François Dumont : En conclusion, Monsieur le sénateur, je voudrais revenir sur le début de notre entretien qui portait sur ces élections consulaires. Quelle est l’importance des élections consulaires à la fois pour les Français de l’étranger et même pour les Français de France ?
Sénateur Ronan Le Gleut : Alors c’est une élection locale, c’est-à-dire que c’est vraiment l’élection locale des Français qui vivent à l’étranger. On y élit les élus locaux des Français de l’étranger qui, dans les commissions de bourses scolaires, par exemple, dans les écoles, vous savez que nous avons un réseau extraordinaire des écoles, collèges, lycées français à l’étranger et un système de bourses scolaires. Et bien il y a des commissions qui se tiennent à l’ambassade ou au consulat et dans ces commissions, siègent ces élus locaux des Français de l’étranger. Donc cela a vraiment un impact réel sur la vie des gens, sur l’obtention d’une bourse scolaire et la possibilité de scolariser son enfant dans une école française. Donc vraiment, c’est très concret.
Et puis, il y a des enjeux majeurs, notamment sur le fonctionnement des consulats. Avoir des consulats efficaces, proches des gens.
Il y a des enjeux de sécurité. Tout le monde sent bien la montée des tensions et quel que soit l’endroit du globe, on se situe, comme le disait le ministre européen des Affaires étrangères, « La menace est désormais partout. »
Après la chute du mur de Berlin, on a parlé de « la fin de l’histoire ». En réalité, aujourd’hui, c’est « la fin de la fin de l’histoire ». Donc voilà le contexte dans lequel on est et donc, qu’il s’agisse d’enseignement, de sécurité, d’affaires consulaires, et bien, tous ces élus locaux des Français de l’étranger jouent un rôle crucial dans la vie de nos compatriotes établis hors de France. Et c’est pour ça que ces élections sont si importantes.
Joël-François Dumont : Monsieur le sénateur Ronan le Gleut, je vous remercie pour cet éclairage et merci également pour toutes ces précisions. Je vois que depuis votre installation à Paris, vous vous êtes bien emparé de ces problèmes de politique étrangère et de défense.
Sénateur Ronan Le Gleut : Merci je vous remercie, et puis bravo pour votre émission.
[1] Vigilance et solidarité pour développer la France d’outre-frontière : Entretien avec l’ambassadeur François Barry Delongchamps, président de l’Union des Français de l’étranger (UFE) – 27 Avril 2021.
[2] Déposée au Sénat par Ronan Le Gleut et plusieurs de ses collègues le 10 février 2020, cette proposition de loi vise à instituer un mécanisme d’urgence pour les Français de l’étranger confrontés à des catastrophes naturelles, des menaces sanitaires ou des évènements politiques majeurs.
Partant du constat que le seul fonds auquel les Français établis hors de France ont droit est le fonds de garantie des victimes du terrorisme, qui s’applique indifféremment à tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence et quel que soit le territoire où se produit l’acte terroriste, le texte prévoit la création d’un fonds ayant pour objet d’aider sans délai les Français de l’étranger à faire face à des circonstances exceptionnelles – menaces sanitaires graves, catastrophes naturelles, guerres civiles ou étrangères, révolutions, émeutes ou autres faits analogues – ou à subvenir à leurs besoins essentiels.
Le texte précise que :
– les aides de ce fonds peuvent être financières ou matérielles, directes ou indirectes ;
– l’État est subrogé dans les droits des bénéficiaires du fonds contre les éventuels responsables des dommages subis, ainsi que dans leurs droits au titre d’un contrat d’assurance. (Source : Sénat)
[3] Fonds d’urgence pour les Français de l’étranger : on ne lâche rien ! – Tribune de Ronan Le Gleut in Le Petit Journal – 30 Novembre 2020.
[4] Le fonds d’urgence pour les Français de l’étranger revient au Sénat. Rencontre avec le sénateur Ronan Le Gleut in Lesfrançais.press – 2 décembre 2020.