Transcription de l’allocution de S.Exc. Monsieur François Delattre, Ambassadeur de France en Allemagne, lors de la traditionnelle « fête de l’amitié franco-allemande » qui s’est tenue le 13 juillet au mess « Sergent Brocard » du Quartier Napoléon — l’ancien QG des Forces Françaises de Berlin — devenu, après le départ des troupes françaises en 1994, la Julius Leber Kaserne. Accueilli par Xavier Doucet, président de l’UFE Berlin, l’ambassadeur a beaucoup échangé avec les participants français, francophones et allemands. La dernière fois que j’ai entendu de tels propos dans ce haut lieu chargé d’histoire, c’était en février 1970, lorsque l’ambassadeur de France à Bonn, François Seydoux de Clausonne, alors un des commandants militaires alliés de Berlin, était venu faire un discours dans les salons du général Huchet de Quénétin au Quartier. A l’époque le général était un diplomate chargé de représenter à Berlin l’Ambassadeur de France en poste à Bonn, le colonel commandant lui les troupes françaises. Après la réunification, les choses se sont normalisées: l’ambassadeur est devenu ou redevenu à Berlin le représentant civil de la France. Le monde a certes beaucoup changé mais pas les misions d’un ambassadeur de France, particulièrement dans l’un des pays les plus importants pour la France. Il nous livre ici trois messages en nous faisant partager sa vision de la relation franco-allemande. JFD
Berlin, le 13 juillet 2023 — Caserne Julius Leber —
Sommaire
Merci beaucoup… J’ai prévu un discours d’une petite heure en me disant que la pluie va finir par arriver… Non, un mot et s’il pleut, bien sûr, je m’arrête tout de suite.
Monsieur le président de la section de l’Union des Français de l’Étranger de Berlin, cher Xavier Doucet, chers membres de l’UFE, membres adhérents mais aussi amis de l’UFE. C’est un immense plaisir pour l’équipe qui m’accompagne, je vois Léna, je vois Éric, je vois Maryse, et bien sûr pour moi de partager ce moment délicieux — dangereux, mais délicieux — avec vous et de célébrer ensemble l’amitié franco-allemande.
L’UFE au service de la relation franco-allemande
Ich musste auch Sie Herr Lüke sehr herzlich für Ihren Empfang danken.
On a beaucoup de chance de célébrer ensemble l’amitié franco-allemande à la veille du 14 juillet et je voudrais saisir cette occasion pour remercier l’Union des Français de l’étranger de Berlin. La plus large section de l’UFE je crois d’Allemagne, pour son engament au service de la communauté française bien sûr, mais au service aussi de la relation franco-allemande autour du triptyque « entraide, convivialité, rayonnement ». Merci à tous pour votre engagement, votre présence, c’est plus important que jamais, surtout après cette période du Covid de retrouver le physique, de retrouver l’intimité, la chaleur de la relation humaine.
On ne se connaît pas encore, moi je suis — juste pour me présenter en un mot : j’étais à Bonn, déjà, il y a trente ans, pendant la réunification. J’ai eu la chance de connaître la réunification allemande pendant que j’étais à l’ambassade de France à Bonn, et j‘en garde un souvenir merveilleux et très ému aussi et je vis, du coup, je vous le dis comme je le pense, la relation franco-allemande non pas comme une démarche intellectuelle mais comme une démarche fondamentalement sentimentale, émotionnelle, c’est vraiment comme cela que je la vis, et c’est comme cela que je pense que la pluie va arriver aussi… très émotionnelle elle aussi !
Je voudrais vous passer trois messages très vite.
Un premier message d’optimisme
D’abord un message résolu d’optimisme : ne croyez pas ce que vous entendez ou ce que vous lisez sur la relation franco-allemande. Je le dis d’une manière un peu directe mais je suis sérieux : la relation franco-allemande va beaucoup mieux que nous l’a dit la presse. Je mets comme exception les correspondants ici à Berlin qui sont franchement très bons, je ne les mets pas en cause.
On a célébré cette année le 60e anniversaire du Traité de l’Élysée. On l’a fait à la Sorbonne, dans un amphithéâtre qui était archiplein et vous aviez littéralement un élan, un élan du cœur, une force vitale, une force sentimentale qui m’a beaucoup frappé.
Vous avez, au moment où nous parlons, entre France et Allemagne une vraie convergence sur les grands sujets, comme l’élargissement de l’Union européenne, la réforme de l’Union européenne. Sur l’Ukraine, la France et l’Allemagne sont très proches et Dieu sait si on a entendu — rappelez-vous au début de la guerre — « l’Union européenne va éclater, va exploser, la France et l’Allemagne ne peuvent pas tenir les 27… » Et bien, il s’est passé le contraire. On a été capables de montrer sous impulsion franco-allemande…
Cela va, cela va…
Xavier Doucet : « Vous me dites »
(Rires)
On a su montrer sous impulsion franco-allemande que l’Europe tenait, que l’Europe pouvait avoir une position, pouvait également marquer cette position sur le plan international sur beaucoup de sujets très lourds comme l’énergie, comme la défense, comme la politique industrielle, la France et l’Allemagne sont beaucoup plus proches que ce que l’on nous dit. Il y a trois jours pour ne reprendre que cet exemple j’accueillais notre ministre de la défense, Sébastien Le Cornu, avec le ministre allemand de la défense, Boris Pistorius. On a eu un entretien viril, certes, mais très productif qui a permis de rapprocher les positions en l’occurrence sur ce que l’on appelle le char du futur. Et je pourrais multiplier les exemples…
Une dynamique politique positive
On est en train de développer, nous Français, une vraie stratégie de développement de notre relation avec les Länder de l’Est de l’Allemagne. C’est une stratégie qui a bien décollé.
Le 21 juin, j’étais à Chemnitz en Allemagne, entre guillemets, de l’Est avec les cinq ministres-présidents des Länder de l’Est. On avait amené toute l’équipe de l’ambassade, y compris le chef-cuisinier et toute mon équipe et on a offert dans un restaurant de Chemnitz, mais en prenant tout à notre charge, un dîner qui n’avait pas de précédent, qui était extrêmement chaleureux, avec encore une fois les cinq ministres-présidents des Länder de l’Est et beaucoup d’amis de la France, donc ce sont quelques exemples à la volée mais qui vous montrent que cette relation franco-allemande elle est sur — j’allais dire — de bons rails et que la dynamique est là, elle est très positive. La dynamique politique est positive.
Une vraie ambition pour le franco-allemand
Mon deuxième message — rassurez-vous — il sera plus bref. C’est pour vous dire que nous souhaitons aller plus loin. Il y a une vraie ambition aujourd’hui pour le franco-allemand qui est, après le chapitre de la réconciliation ouvert par de Gaulle et Adenauer au début des années 60 d’ouvrir un nouveau chapitre entre la France et l’Allemagne permettant à nos deux pays non pas simplement de se regarder l’un l’autre, non pas simplement de se réconcilier, c’est fait, mais d’agir ensemble au service de l’Europe et également dans le monde et de trouver au fond un agenda de souveraineté européenne, un agenda de décarbonation, un agenda franco-allemand de réindustrialisation, aussi en direction des nouvelles technologies.
Une « stratégie langues »
Dans ce cas nous avons « une stratégie langues », parce que c’est vrai l’enseignement de l’allemand en France et du français en Allemagne n’est pas sur une pente positive. Là c’est le diplomate qui parle et donc, à nous de réagir ! Et à nous de faire en sorte que la « stratégie langues » que nos deux ministres ont adoptée le 24 novembre dernier permette d’avancer.
Je prends deux exemples à la volée : pour rendre obligatoire autant qu’on le peut dans les Länder ici une deuxième langue vivante. Les gens prennent l’anglais comme première langue vivante, c’est normal. Comme deuxième langue vivante, si on réussit à faire en sorte que de plus en plus de Länder allemands rendent obligatoire une deuxième langue vivante alors l’enseignement du français à côté de celui de l’espagnol a, à mon avis, une chance de se développer, donc je n’oublie pas cela.
C’est l’ambition de la visite d’État qui, malheureusement, a dû être reportée comme vous le savez… Comme on dit en allemand : « aufgeschoben ist nicht aufgehoben » (Reporté n’est mas annulé), donc, ce n’est que partie remise.
On espère tous — en tout cas moi le premier — que notre président va revenir ici en Allemagne, dans les mois qui viennent pour une visite d’État qui permettra d’incarner, de marquer le passage de ce chapitre 1 — la réconciliation — à un nouveau chapitre de la relation franco-allemande qui nous permette d’affirmer une ambition commune au service de l’Europe.
On a pour cela le cadre juridique, c’est le Traité d’Aix-la-Chapelle dont on va célébrer dans quelques mois le cinquième anniversaire qui nous donne aussi une boîte à outils pour faire davantage converger nos sociétés.
La volonté politique est là, alors sachons la saisir et aller de l’avant.
On a besoin de chacun d’entre vous
Et mon troisième et dernier message, je terminerai par là — décidément la pluie est sage — pour passer à ce nouveau chapitre de la relation franco-allemande on a évidemment besoin de chacune, de chacun d’entre vous, tant il est vrai — on ne le rappellera jamais assez — que la relation franco-allemande c’est pas simplement un moteur de l’Europe, c’est pas simplement une mécanique, c’est pas simplement un mariage de raison, c’est véritablement une histoire d’amour. C’est une histoire d’amitié, ce sont des sentiments, c’est en allant l’un vers l’autre, ce chapitre là — je le dis avec des mots un peu forts mais je le pense vraiment — ce chapitre-là, c’est vous qui pouvez, Chères Françaises et Français de l’étranger avec tous les francophiles et francophones également qui sont avec vous, qui pouvez le faire.
Vous êtes pour notre pays de formidables ambassadrices et ambassadeurs. Vous représentez le cœur battant de la France ici à Berlin. Vous contribuez chaque jour à faire rayonner notre pays en Allemagne et à porter plus haut l’amitié franco-allemande à laquelle je crois dur comme fer. Que vous soyez artiste, enseignant, entrepreneur, salarié, fonctionnaire ou tout autre, vous constituez un formidable pont entre nos deux pays et pour cela je voudrais vous remercier très très chaleureusement.
Je vous souhaite à toutes et à tous une excellente « fête de l’amitié franco-allemande ».
- Vive la France
- Vive l’Allemagne et
- Vive l’amitié franco-allemande
- Es lebe die deustch-französische Freundschaft !
Mes chers amis, Merci !
Voir également :
- « Es lebe die deutsch-französische Freundschaft ! » : Rede von Herrn François Delattre, Botschafter Frankreichs in Deutschland, anlässlich des traditionellen « Festes der deutsch-französischen Freundschaft » — (2023-07-13) —
- « L’UFE-Berlin : entre mémoire et tradition » : Discours de Xavier Doucet, président de l’UFE Berlin — (2023-07-13) —
- « Zwischen Erinnerung und Tradition » : Rede von Xavier Doucet, Präsident der UFE Berlin — (2023-07-13) —